SOCIALISME - La théorie économique

SOCIALISME - La théorie économique
SOCIALISME - La théorie économique

L’élaboration de la théorie de l’économie socialiste s’est longtemps heurtée à deux ensembles de difficultés. D’une part, la théorie ne saurait se constituer autrement que comme compréhension cohérente et structurée d’une réalité: l’achèvement de la théorie de l’économie socialiste présupposerait une expérience suffisamment longue du socialisme vécu dont on ne dispose pas encore, même si l’on connaît des expériences de renversement du mode de production capitaliste et les premières phases de diverses expériences de la construction du socialisme. De ce fait, la théorie de l’économie socialiste aujourd’hui ne peut émerger que de l’approfondissement des contradictions du capitalisme et de tout ce qui, en lui, conduit à sa destruction et à l’avènement du socialisme. Peu de théoriciens ont pu réussir un tel projet analytique. Le discours sur l’économie du socialisme demeure alors le plus souvent au niveau d’un «cri de douleur et, parfois, de colère, poussé par les hommes qui sentent le plus vivement notre malaise collectif» (É. Durkheim).

D’autre part, quelle qu’en soit la nécessité historique, le socialisme ne peut naître que de l’action consciente de la classe ouvrière, en tant que celle-ci demeure l’élément déterminant, sinon unique, d’une telle transformation. Dès lors, les «pratiques» aussi bien de la révolution que de la construction du socialisme interfèrent inévitablement avec l’élaboration proprement théorique. L’époque contemporaine témoigne de ce que les conflits de stratégies entre tous ceux qui revendiquent le titre de «révolutionnaires» ou les conflits nés de la «diversification des voies vers le socialisme» peuvent interférer avec la théorie même de l’économie socialiste. Au demeurant, la construction du socialisme est bien, tout à la fois, un phénomène économique, politique et idéologique, comme le manifeste le terme même de «dictature du prolétariat» appliqué par Marx à la première phase de l’économie socialiste. On ne peut donc rejeter l’idéologie hors du champ de l’analyse, sans courir le risque de pécher par économisme ou volontarisme, qui sont eux-mêmes deux déviations idéologiques.

Ces difficultés nous obligent à remonter aux sources avant de chercher à dégager les enseignements principaux des réalités elles-mêmes.

1. Les sources de la théorie de l’économie socialiste

Depuis Engels, le socialisme scientifique est souvent opposé au socialisme utopique. Le caractère de nécessité historique du socialisme déduit de l’analyse même du capitalisme, l’attention spécifique portée aux conditions du passage de l’un à l’autre, le souci de ne pas tomber dans une description a priori ou non scientifique du contenu du socialisme ont tendance à caractériser le socialisme scientifique d’origine marxiste et à l’opposer à ces courants que Marx désignait comme «utopistes». Par ailleurs, les «utopistes» divergent sur le rôle de la lutte des classes, et il ne faudrait pas interpréter le qualificatif d’utopistes en concluant qu’ils n’auraient pas joint «l’action à la théorie, les expériences aux projets ni qu’ils n’aient cherché à réaliser ce qu’ils ont pensé et idéalisé» (G. M. Bravo).

La réflexion de type socialiste avant Marx

Les premiers éléments d’une réflexion économique sur le socialisme sont très anciens et l’on ne peut oublier de faire référence à La République de Platon.

Bien au-delà de la suppression de la propriété, l’alternance d’activités, la généralisation du travail manuel, la réduction de la journée de travail (à six heures), le rôle reconnu à l’État dans la direction de la production et dans le partage des fruits du travail, la disparition de l’échange monétaire, l’abondance et le principe de répartition selon les besoins sont déjà présents dans l’Utopie de Thomas More (1516). Morelly systématise ce «modèle» et en établit presque le détail réglementaire dans son Code de la nature (1755). L’article «Économie politique» écrit par Rousseau pour l’Encyclopédie a un accent socialiste et exalte l’impôt progressif. Pour réaliser le même objectif «socialiste» d’égalité, l’abbé Mably se tourne de préférence vers des «lois agraires» (De la législation ou principe des lois , 1764; Doutes proposés aux philosophes sur l’ordre naturel et essentiel des sociétés politiques , 1795).

L’approfondissement du capitalisme et le bouleversement des rapports sociaux que suscite le XIXe siècle entraînent aussi bien l’autonomie croissante de l’économie politique comme discipline intellectuelle que le développement de certains aspects économiques de la pensée socialiste, même si celle-ci ne parvient pas dans l’ensemble à perdre son aspect «moraliste». Au sein de ce foisonnement de théories socialistes, dont un certain nombre sont encore mal connues, il convient de simplifier et de se contenter de quelques notations.

C’est un philosophe, Fichte, qui écrit L’État commercial privé (1800). Il abandonne les généralités courantes sur la propriété au bénéfice d’une mise en cause de la propriété privée: il proclame le droit au travail, il assigne au gouvernement, outre de véritables tâches de planification, la répartition du travail social, la coordination de la production et la répartition des revenus, la fixation des prix. Ce rôle autoritaire de l’État ne dure que le temps nécessaire pour que les producteurs organisent eux-mêmes leur contrôle mutuel: «Pour une race d’êtres moraux parfaits, il n’y a pas de loi»; c’est l’amorce de la théorie du dépérissement de l’État.

Marx lui-même caractérise en ces termes les «vues positives» de Saint-Simon, Fourier et Owen «sur la société future: disparition de l’antagonisme entre la ville et la campagne, abolition de la famille, de l’industrie privée, du travail salarié, proclamation de l’harmonie sociale, transformation de l’État en une simple administration de la production» (Manifeste du Parti communiste , 1848). Fourier et Owen, de leur côté, posent que les conditions du dépérissement de l’État sont réalisées et ils ne s’intéressent qu’à la «gestion des unités de production par les travailleurs eux-mêmes» (H. Denis). L’industrialisme de Saint-Simon, au contraire, suppose bien la suppression du «gouvernement des personnes», mais pour lui substituer l’«administration des choses», c’est-à-dire une forme technocratique mais centralisée d’administration économique.

Le XIXe siècle est encore marqué par la pensée de véritables militants socialistes, voire révolutionnaires: Babeuf, Cabet, Blanqui... pour ne citer que des Français. Ils restent plus préoccupés de fournir une analyse critique de l’économie de leur temps que de réfléchir au contenu d’une société nouvelle, nécessairement socialiste, même si pour Blanqui «une dictature était nécessaire qui aurait pour tâche de modifier l’ancien ordre social et d’introduire le communisme» (G. M. Bravo) ou si l’économiste danois L. von Stein établit la première distinction du socialisme et du communisme (Le Socialisme et le communisme de la France contemporaine , 1842).

Ces auteurs ont parfois des disciples et il arrive que leurs «doctrines» donnent lieu à discussions. Mais le véritable débat sur le socialisme ne s’instaure qu’à la suite de Marx. La polémique qui s’engage alors, à partir de Pareto essentiellement, se prolongera jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. Elle permet d’éclairer certaines approches contemporaines de l’économie socialiste et doit figurer parmi les «sources» de sa théorie.

Marx sur le socialisme

La forme achevée de la société humaine

Marx ne pouvait fournir une théorie de l’économie socialiste sans abandonner sa méthode même et tomber à son tour dans l’utopie. Mais, tout en refusant de «formuler des recettes pour les marmites de l’avenir» (postface du Capital , 1873), il a une vision globale du socialisme et il la précise dès les Manuscrits de 1844 : «Le communisme, en tant que dépassement positif de la propriété privée, donc de l’auto-aliénation humaine et par conséquent en tant qu’appropriation réelle de l’essence humaine par l’homme et pour l’homme, c’est le retour de l’homme à soi en tant qu’homme social, c’est-à-dire humain, retour conscient accompli dans toute la richesse du développement antérieur. Ce communisme est un naturalisme achevé, et comme tel un humanisme ; en tant qu’humanisme achevé, il est un naturalisme; il est la vraie solution du conflit de l’homme avec la nature, de l’homme avec l’homme, la vraie solution de la lutte entre l’existence et l’essence, entre l’objectification et l’affirmation de soi, entre la liberté et la nécessité, entre l’individu et l’espèce. Il est l’énigme de l’histoire résolue et il sait qu’il est cette solution [...] Le communisme est la forme nécessaire et le principe dynamique du proche avenir, sans être, en tant que tel, le but du développement humain: la forme achevée de la société humaine.» Il y reviendra ensuite, même s’il ne la développe jamais systématiquement, dans de très nombreuses œuvres et de manière parfaitement cohérente. L’objet de son analyse est la situation de l’homme dans la société capitaliste. Il ne pouvait pas ne pas voir en même temps la situation de l’homme nouveau dans cette société socialiste germant de son sein.

Certains ont observé que, malgré le désir qu’il en avait, Marx n’a pu se dégager entièrement de toute utopie, et on le comprend du fait de sa passion à discuter de toutes les idées de son temps. Mais, si le socialisme (socialisme achevé, communisme, «mode de production du travail associé», ces termes ne semblent pas nettement dissociés) est pour Marx l’objectif vers lequel tendaient sa théorie et sa pratique de militant, ce socialisme est tout autant une nécessité historique appelée par les contradictions qui se développent au sein du capitalisme, en particulier «entre la puissance générale incarnée par le capital, d’une part, et le pouvoir privé du capitaliste individuel, d’autre part». Ces contradictions entraînent «la dissolution de ce rapport en même temps que l’enfantement de conditions générales en vue d’une production communautaire sociale. Il s’agit là d’une nécessité...» (Le Capital , livre III).

C’est parce que les conditions matérielles et les rapports de production de la société future sont «enveloppés» dans la société présente que l’objectif est réaliste.

Cet enfantement ne sera cependant pas automatique. Bien au contraire, il sera «douloureux» (Critique du programme de Gotha ). La lutte de classes est en effet la réalité fondamentale et la classe capitaliste cherchera, d’étape en étape, à résoudre ses contradictions, quitte à en créer de nouvelles, afin de retarder l’avènement, cependant nécessaire, du socialisme. Le prolétariat doit donc s’organiser, car il «doit tout d’abord s’emparer du pouvoir politique» (Manifeste ). «Mais la classe ouvrière ne peut pas se contenter de prendre tel quel l’appareil d’État et de le faire fonctionner pour son propre compte» (La Guerre civile en France , 1871). Il ne doit pas seulement «faire changer de main l’appareil bureaucratico-militaire mais le briser» (lettre à Kugelman du 12 avril 1871). L’État va devenir superflu, puisque toute distinction de classe est abolie. Alors, «l’État cesse d’exister et l’on peut parler de liberté». Et Lénine faisait écho à Marx: «La question du pouvoir est certainement la plus importante de toute révolution. Quelle classe détient le pouvoir? Tel est le fond du problème.»

Cette conquête du pouvoir par la classe ouvrière se manifestera comme l’abolition de la propriété privée des moyens de production, la «transformation du capital en propriété commune». «Le communisme n’enlève à personne le pouvoir de s’approprier des produits sociaux; il n’ôte que le pouvoir de s’assujettir par cette appropriation le travail d’autrui» (Manifeste ). C’est la suppression de l’exploitation de l’homme par l’homme.

Ainsi, le socialisme achevé, c’est bien la propriété collective des moyens de production et le pouvoir politique de la classe ouvrière. Et, pour que «la production se trouve sous le contrôle réel et déterminant de la société» (Capital , livre III), il faut qu’une véritable «centralisation nationale des moyens de production», au sens précis que Marx donne à ce terme, qui représente le rassemblement du pouvoir véritable de disposition, constitue la «base naturelle» de la société. Marx élimine ainsi tout ce qui pourrait évoquer des collectifs de travailleurs propriétaires de leurs propres moyens de production et échangeant entre eux les produits de leur travail. La propriété collective doit se situer au niveau de l’ensemble de la société. «Abandonner le sol à des travailleurs ruraux associés, ce serait exclusivement remettre la société entre les mains d’une seule classe de producteurs» («La Nationalisation de la terre», discours prononcé le 15 juin 1872). Et il précise que ce qui vaut pour l’agriculture vaut aussi pour les mines et les manufactures.

Toutefois, cet enfantement demandera du temps. «Entre la société capitaliste et la société communiste se situe la période de transformation révolutionnaire de l’une en l’autre. À cette période correspond également une phase de transition politique où l’État ne saurait être autre chose que la dictature révolutionnaire du prolétariat» (Critique du programme de Gotha ). La lutte des classes y sera très vive. C’est peu à peu que le prolétariat, se servant de sa suprématie politique, réussira à arracher le capital à la bourgeoisie, à centraliser tous les moyens de production, à accroître la masse des forces productives. Tout ce que Marx et Engels diront du socialisme devra être compris dans cette perspective, nous fournissant non pas la théorie mais la méthode d’analyse et de compréhension de ce qu’ils nommaient eux-mêmes «la transition du capitalisme au socialisme».

L’analyse de Marx et d’Engels

Trois affirmations essentielles caractérisent l’analyse de Marx et d’Engels.

Première affirmation: «Dans la prise de possession sociale des moyens de production, la production marchande cesse» (Engels, Anti-Dühring ). Les moyens de production étant effectivement possédés et organisés par l’ensemble des travailleurs, les divers procès de production n’ont plus à être reliés par l’échange pour pouvoir fonctionner de manière cohérente. Il n’y a plus d’échange, de marchandise, de prix, de plus-value, de profit, d’intérêt ni de rente. Et, si tel de ces mots continue à être employé, son sens est entièrement différent. La loi de la valeur, loi d’allocation intersectorielle des ressources et de régulation du système, n’a plus d’objet.

Deuxième affirmation: «Dans l’hypothèse d’une production socialisée, le capital-argent disparaît. La société répartit la force de travail et les moyens de production dans les différentes branches d’industrie» (Capital , livre III), et elle le fait en fonction des temps de travail nécessaires à la production des divers biens et de l’utilité sociale de ceux-ci. C’est une autre manière de dire que «le produit total des travailleurs est un produit social » (Critique du programme de Gotha ) ou que le plan est à la fois possible et nécessaire.

Cette allocation des ressources entraîne deux autres décisions. D’une part, il faut partager le produit entre la consommation et l’accumulation: c’est le choix entre plus de temps libre tout de suite ou plus de biens pour demain. On notera, d’une part, que temps de travail et temps de loisirs cesseront d’avoir une existence antagonique et, d’autre part, que le temps de travail nécessaire s’étendra grâce à la disparition du surtravail soit parce que «les exigences vitales du travailleur seront plus grandes», soit à cause du «travail nécessaire à la réalisation du fonds social de réserve et d’accumulation» (Capital , livre Ier).

D’autre part, outre l’accumulation, le produit doit être réparti entre les divers besoins: fonds de réserve et de prévoyance collectives, «consommations de développement», financement de l’administration, satisfaction des besoins des travailleurs et de ceux qui ne peuvent travailler.

C’est par là que le socialisme assure le développement humain, qui est libération de la capacité créatrice de chacun et de la société, croissance des forces productives, invention de besoins et de possibilités sans cesse plus importants. Le progrès technique ne sera plus restreint et infléchi par la stratégie du profit. Les conditions de travail seront respectueuses de l’homme. Alors, une fois disparue «l’asservissante subordination des individus à la division du travail et, par suite, l’opposition entre le travail intellectuel et le travail corporel», le travail ne sera plus seulement le moyen de vivre mais «le premier besoin de la vie» (Critique du programme de Gotha ).

Troisième affirmation: «Là où il n’y a plus de capital, il n’y a plus de travail salarié » (Manifeste ). Bien au-delà du système de répartition, c’est le rapport social constitutif du capitalisme qui est aboli, les conditions de la répartition ne faisant que refléter celles de la production. Pour bien souligner que le travailleur ne vend plus sa force de travail, Marx envisageait que, «le cas échéant, les producteurs pourraient recevoir des bons leur permettant de prélever sur les réserves de consommation de la société des quantités correspondant à leur temps de travail». Et il précisait: «Ces bons ne sont pas de l’argent, ils ne circulent pas» (Capital , livre II).

Cette correspondance temps de travail-quantité de biens ne peut déjà plus s’assimiler à la fixation du salaire du travailleur de la société capitaliste, ne serait-ce que parce que cette égalité vaut pour chacun des travailleurs et pas seulement de manière globale ou en moyenne. Mais derrière une égalité apparente ou formelle se cache une inégalité réelle du fait du «talent inégal des travailleurs», de leur «inégale capacité productive», des différences dans leurs situations de famille, etc. Certes, on ne pourra l’éviter dans la première phase de la construction du socialisme. En effet, la société qui vient «d’émerger de la société capitaliste, à tous égards, économique, moral, intellectuel, porte encore les stigmates de l’ancien ordre où elle a été engendrée», et «le droit ne peut jamais être plus élevé que la structure économique de la société et le développement culturel qui en dépend». Par contre, dans la phase supérieure de la société communiste, évoquée plus haut, quand le travail sera devenu le premier besoin de la vie, alors la société pourra vivre selon le principe: «De chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins» (Critique du programme de Gotha ).

Ainsi se trouve établie chez Marx l’unité du processus de production et du processus de distribution et affirmé le principe de cohérence, c’est-à-dire de rationalité du socialisme, aboutissement et systématisation de toutes les intuitions qui s’étaient exprimées jusqu’alors. C’est cette cohérence de la société socialiste qui va être discutée dès la fin du XIXe siècle.

Les théoriciens de l’équilibre général et la rationalité du socialisme

La théorie du socialisme ne saurait être considérée comme n’intéressant que les partisans de ce système économique. Avant toute «expérience» socialiste et, par la suite, sans lien avec les débats qu’elle a suscités dans le pays où s’est déroulée la première révolution socialiste, les économistes néo-classiques ont abordé de manière indirecte, et en tout cas paradoxale, la question de l’économie socialiste.

Le système théorique de l’équilibre général, construction la plus élaborée des adversaires de la théorie classique et marxiste, a, en effet, été utilisé à plusieurs reprises comme image possible d’une économie socialiste, avant de servir de point d’appui des défenseurs du socialisme dans le débat célèbre, ouvert en Occident, dans les années vingt, sur la rationalité du socialisme. Il peut être alors moins surprenant de constater l’inspiration «néo-marginaliste» de certains développements théoriques d’économistes soviétiques de la période poststalinienne.

Équilibre général et planification centralisée

Dans la construction théorique de Léon Walras, les individus, à la fois consommateurs et fournisseurs des facteurs de production, maximisent leurs satisfactions; la quantité initiale des facteurs de production, la technologie et les goûts des consommateurs étant des données, la détermination de l’équilibre général est détermination tout en même temps des quantités produites et échangées et des prix auxquels se font ces échanges. Les «tâtonnements» ayant lieu «sur le papier», cet équilibre s’établit instantanément.

Cet équilibre général a été interprété comme la représentation d’une économie pleinement concurrentielle, définie par la parfaite mobilité et la parfaite malléabilité des facteurs de production et par la totale substituabilité des biens et des facteurs de production. Walras n’a pas explicité la morphologie du système qu’il prétendait décrire, et la plupart des auteurs néo-classiques affirment facilement que leurs modèles sont compatibles avec n’importe quel type de société. Malgré l’habitude de considérer ces schémas comme représentatifs du fonctionnement du capitalisme, trois auteurs que l’on ne peut tenir pour acquis à la cause socialiste, Friedrich von Wieser, Vilfredo Pareto et Enrico Barone, font de ce schéma la «théorie pure» du socialisme.

Pour Barone, une agence centrale ou un ministère de la production peut se substituer au fonctionnement du marché pour réaliser le montant de la production et établir des prix tels que, étant donné la technologie, les goûts des consommateurs et la quantité initiale de facteurs de production, chaque individu se procure le maximum de satisfactions. Le système d’équations présenté comme représentatif d’une économie socialiste est identique à celui par lequel on représentait et on représente le fonctionnement d’une économie capitaliste. Comme lui, il connaît une évolution déterminée. À la limite, on peut même poser le problème en sens inverse: l’hypothèse néo-classique de la prévision parfaite revient à supposer l’existence d’un «planificateur omnipotent et omniscient» (F. Perroux), la concurrence parfaite ainsi entendue s’assimilant alors à la planification parfaite. C’est bien d’ailleurs en se référant à un tel «centre» (E. Malinvaud parle d’un «bureau du plan» dans ses Leçons de théorie micro-économique ) que les auteurs contemporains présentent le schéma d’équilibre général.

La rationalité du système socialiste

L’analyse de Pareto et Barone fournit cette «théorie pure» du socialisme, mais le fonctionnement concret d’une telle économie est-il pour autant concevable? À cette question, dès 1920, Ludwig von Mises répondra négativement. Selon la problématique de l’école autrichienne, l’allocation des ressources n’est efficiente que si l’on connaît le degré de rareté des ressources. Il s’exprime par les prix dans le cadre d’échanges effectifs sur le marché. Dans une économie socialiste, où les moyens de production, propriété de l’État, ne font pas l’objet d’échange, aucun critère rationnel ne peut présider à l’allocation des ressources: le gaspillage ou le chaos ne peuvent être évités.

Quoique sur un mode mineur, F. A. Hayek et Lionel Robbins reprennent à leur compte la critique de Mises: une économie planifiée est concevable théoriquement, mais elle ne peut fonctionner concrètement en raison de l’impossibilité technique de la résolution du système d’équations qu’il faut écrire.

En 1936, Oskar Lange, alors influencé par les analyses de Hayek et Robbins, réfute l’argumentation de Mises et reconnaît l’importance du calcul économique dans un système socialiste. Pourtant, l’existence d’un marché n’est pas indispensable; la résolution du système d’équations du schéma d’équilibre général walrasien ne nécessite pas d’actes concrets d’échange. Si les arguments de Hayek et Robbins doivent être pris en considération, une procédure institutionnelle peut cependant permettre de résoudre les difficultés dans une économie où les moyens de production sont objet de propriété sociale: des prix comptables fixés par une autorité centrale peuvent servir de prix de référence et, par une succession de tâtonnements concrets, permettre de réaliser l’équilibre de l’offre et de la demande. Au mécanisme du marché Lange proposait, ainsi, de substituer un mécanisme qui conduira au même résultat, mais qui n’en diffère guère cependant puisqu’il maintient une très grande décentralisation.

C’est en abandonnant toute référence à l’équilibre général que M. Dobb fournit sa propre réponse à l’argumentation de Mises. En réalité, Dobb refuse de considérer le problème du calcul économique comme le problème fondamental de l’économie socialiste. Le cadre de l’équilibre général ne peut concerner que l’utilisation efficiente d’un montant de ressources données , alors que l’objectif de l’économie socialiste ne peut être que l’accroissement du volume de ces ressources. Dans cette perspective d’accumulation, la coordination ex ante des décisions est largement supérieure à la coordination ex post que réalise le mécanisme du marché.

Paul Baran va dans le même sens, opposant «de lentes adaptations à des changements plus importants [...], prémisse essentielle à l’application des règles tirées de l’analyse statique [et] à un choix entre une quantité peu importante d’alternatives technologiques comportant un degré élevé d’indivisibilité et des «coefficients constants». Et il conclut, désabusé, que l’office de planification cherchera en vain dans les ouvrages traitant de la théorie économique du socialisme des indications lui permettant de venir à bout de ces complications.

Cette réponse nous renvoie à l’ensemble des discussions actuelles sur l’interprétation théorique du fonctionnement des économies socialistes contemporaines, alors que la réponse de Lange renverrait plutôt aux procédures de calcul économique préconisées par un certain nombre d’économistes des pays socialistes (L. V. Kantorovic, A. Brody, J. Kornai...).

2. Les «lois» des économies socialistes

À partir de 1917, Lénine n’avait plus à définir un socialisme pour l’avenir. Il avait à en jeter les bases. C’est très souvent à propos de décisions pratiques, dans des notes, des directives, des discours, qu’il formula son analyse théorique: délimitation du secteur d’État, lancement des premières études pour la planification, option en faveur de la production prioritaire de biens de production, mais aussi rôle de la lutte des classes au cours de la phase de la dictature du prolétariat et, bien entendu, théorie de l’État.

Quand il s’agit de passer à des applications bien plus concrètes, ce qui n’exclut pas le recours à la théorie et ne s’en sépare pas, et à partir de l’expérience naissante, Lénine constate la validité de l’analyse de Marx et approfondit les questions que pose la première phase de construction du socialisme. Mais, comme Marx, il sait que les mesures à prendre «seront différentes selon qu’il s’agira de tel pays ou de tel autre» (Manifeste ).

Précisément, si l’expérience des pays socialistes prise globalement commence à être assez longue, celle de la diversité des voies de la construction du socialisme est beaucoup plus brève et donc accroît le risque de théoriser à partir de cas particuliers.

Les difficultés de l’analyse proviennent précisément de ce que cette phase de construction du socialisme se caractérise par la transformation en profondeur de l’ensemble des rapports de production, une évolution sociale n’étant jamais ni linéaire ni définitive.

Or on repère plus facilement les phénomènes de la circulation que ceux de la production, les formes plutôt que les réalités essentielles. Le langage lui-même peut constituer un écran: le profit socialiste reste bien formellement une différence entre deux séries de prix, mais ceux-ci sont planifiés et l’exploitation de l’homme par l’homme a cessé; le «salaire» n’est plus le prix d’une marchandise, mais la part du produit social dont le travailleur dispose pour sa consommation; les catégories marchandes continuent à être «présentes», mais cela n’empêche pas qu’il puisse y avoir dégénérescence de la loi de la valeur, sauf si l’on démontre que les rapports sociaux qui la fondent se développent. En un mot, on ne se trouve pas devant un mode de production «à l’état pur» (pas même un mode de transition qui serait posé comme un en-soi), mais devant des formations économiques et sociales complexes, c’est-à-dire admettant la dominance de l’un de leurs éléments constitutifs sur les autres et sur le mouvement d’ensemble.

Si l’on veut ramener cette complexité à l’essentiel, on constate que certaines unités de production échappent aux décisions du plan en perpétuant des rapports de production précapitalistes, capitalistes ou coopératifs et que le plan ne peut pas le négliger pour l’organisation même du secteur qu’il contrôle directement.

En outre, pour pouvoir tenir compte de la variété des voies de construction du socialisme (modèles soviétiques, des démocraties populaires, chinois, cubain, vietnamien, éventuellement yougoslave), l’analyse devrait être diversifiée.

À chacun de ces niveaux, préférences et jugements de valeur peuvent dévier l’analyse. On devra cependant se contenter d’observations très générales regroupées autour de quatre thèmes.

Domaine du plan et domaine du marché

Production et circulation des marchandises ne pouvant se réduire l’une à l’autre, il est impossible de les définir par la zone des transferts de biens opposée à celle des échanges de marchandises. Sont du domaine du plan les unités de production effectivement dirigées par les organes agissant au nom de la collectivité de tous les travailleurs, même si elles achètent ou vendent à l’extérieur de cet ensemble: toute autre définition conduirait à une définition du socialisme excluant toute liberté de choix de la part du consommateur.

Une telle distinction s’effectue donc à partir de la nature des rapports de production. Elle est indifférente aux formes que peuvent revêtir les transferts de biens: ceux-ci peuvent à l’intérieur du domaine du plan s’accompagner de contreparties à formes monétaires, nécessaires pour la gestion et l’organisation du système de production et le contrôle de son efficacité, voire se réaliser dans le cadre de quasi-contrats, utilisant des prix qui sont alors des instruments de planification.

Le domaine du plan ne saurait s’opposer radicalement à celui du marché. Le marché mondial capitaliste y pénètre avec plus ou moins d’importance selon la nature des marchandises concernées, même si le fait d’y recourir peut constituer un moyen d’avancer ultérieurement plus vite vers le socialisme. L’autorité du plan n’est pas donnée, mais se construit progressivement: l’existence éventuelle de chômeurs, le maintien de conditions de travail qui ne permettent pas le plein épanouissement des travailleurs, le recours forcé aux phénomènes régulateurs classiques du capitalisme du type de l’inflation, même s’ils prennent la forme de l’organisation des pénuries relatives, l’apparition de stocks involontaires sont autant de signes de la faiblesse du contrôle de la collectivité sur ses moyens de production. Cette faiblesse peut être due aussi bien à l’insuffisant développement des forces productives, à l’interférence trop puissante du secteur non socialisé (du fait de l’irrégularité de ses ventes ou de ses achats) qu’à l’absence de véritable calcul économique et social (des erreurs, par exemple, quant au choix des consommateurs, qui révèlent une insuffisante analyse des temps de travail et des utilités sociales des divers produits).

À l’inverse, le plan agit au-delà des frontières de son domaine propre, pour orienter la production agricole en fonction des nécessités de la consommation ou pour réduire la zone du marché mondial capitaliste par l’organisation progressive de la division internationale socialiste du travail.

Plan et marché se distinguent certes, mais ne forment pas deux domaines séparés. Leur articulation et leur interpénétration les modifient l’un et l’autre et constituent un aspect essentiel de la construction du socialisme, qui est l’extension progressive du plan.

Plan, prix, décisions d’investissement

Si un large accord pouvait se réaliser sur les questions précédentes, on pénètre avec les problèmes soulevés par les rapports entre le plan et la détermination des prix et des investissements au cœur d’un débat qui prolonge et renouvelle celui qui s’est développé à l’Ouest dans l’entre-deux-guerres. Il ne peut être résumé sans caricature. Il est très technique, d’une part, et doit beaucoup au large recours aux mathématiques qui caractérise l’ère poststalinienne. Il est essentiellement politique, d’autre part, renvoyant à toutes les discussions sur le niveau de centralisation-décentralisation du plan, sur le taux d’intérêt, sur les prix des biens d’équipement, des produits agricoles, des ressources naturelles, voire sur le caractère économique ou politique que doivent revêtir les stimulants ou les «indicateurs», etc. D’autant plus politique qu’il est en grande partie issu d’une critique de la pratique soviétique qui consistait à partir d’un prix de revient empirique auquel s’ajoutait une «norme de rentabilité» (positive souvent, négative parfois), différente selon les branches, et dont la cohérence n’était pas explicitée.

Si peu d’auteurs ont proposé de recourir purement et simplement aux prix mondiaux (sous réserve de les définir), plus nombreux sont ceux qui ont cherché chez Marx les concepts que les économies engagées dans la construction du socialisme pouvaient utiliser.

Certains se réfèrent au livre premier du Capital : les prix devraient être égaux aux valeurs (somme des coûts et d’un «plus» proportionnel aux dépenses de travail). S. Stroumiline, qui en est partisan, exclut cependant d’utiliser ce principe pour la détermination du taux d’accumulation. Même si on laisse de côté les difficultés de calcul (le fameux problème dit de la «transformation») ou celles qui tiennent à la détermination de la « valeur » de la force de travail dans le cadre des rapports de production qui excluent le salariat, on rencontre les objections de W. Brus: la société doit émettre des «préférences sociales» quant aux structures de la consommation et de la répartition des revenus ; ce principe conduirait à des critères d’investissement tout à fait étrangers aux objectifs du plan.

D’autres se réfèrent au livre III du Capital ; les prix devraient être des «prix de production» (somme des coûts et d’un «plus» proportionnel aux fonds immobilisés). Ce «plus» serait une manière de prendre en compte les coûts sociaux, mais Charles Bettelheim montre les limites d’une telle prise en compte. Et Brus fait encore observer qu’une telle règle finirait par orienter les investissements à la résorption des déséquilibres actuels et non au passage de la structure actuelle à la structure désirée par le plan de l’appareil de production.

Ce n’est pas la combinaison de ces deux principes (A. Brody) qui peut résoudre les problèmes posés.

Il n’est peut-être pas étonnant que l’on ne puisse trouver chez Marx, théoricien du capitalisme, les concepts servant de base à la construction du socialisme. L’apport de L. V. Kantorovic mériterait une longue analyse. Le plan fixe des objectifs et il faut produire un système de prix qui conduise à son exécution, les unités de production contrôlées par lui réalisant les règles de «gestion» qui leur sont imposées, les unités de production non socialisées restant fidèles à leurs propres mobiles.

On peut se demander alors si les évaluations objectivement déterminées que Kantorovic propose ne sont pas le résultat de cette constatation que la construction du socialisme doit recourir à deux «lois» distinctes. E. Préobrajensky les appelait loi de la valeur et loi de l’accumulation primitive socialiste, Bettelheim loi de la valeur et loi de régulation sociale. Ce n’est pas leur dénomination qui importe, mais la compréhension de leur interpénétration, qui renvoie en la transformant à celle des domaines du plan et du marché: ces deux «lois» interagissent en permanence. Les prix ne sont jamais de pures valeurs, ni de purs prix de production. Ils ne sont jamais exclusivement planifiés, soit du fait des nécessités des équilibres comptables, soit du fait des mobiles propres aux unités que le plan ne contrôle pas ou ne contrôle que partiellement. Telle est, schématisée, l’analyse de Brus.

Ainsi, dans l’économie de la construction du socialisme, l’optimum recherché est celui de la satisfaction des objectifs du plan, d’où la prédominance de l’instance politique, en tant que celle-ci est responsable de la détermination de ces objectifs.

L’élaboration du plan

D’une part, la planification constitue une technique économique spécifique: elle met en jeu un ensemble d’institutions plus ou moins centralisées et utilise des méthodes statistiques et mathématiques destinées à déterminer des optima et à assurer la cohérence de l’ensemble des décisions. On ne s’arrêtera pas à ces aspects, car ils ne sont pas fondamentalement caractéristiques du socialisme.

D’autre part, et par là il rejoint la nature même de l’économie socialiste, le plan exprime le pouvoir de la société sur ses propres moyens de production. On n’insistera pas sur le caractère normatif et impératif du plan: il découle de la nature de la propriété des moyens de production. Mais, parce qu’il traduit ce pouvoir de la société, il est l’expression fondamentale du pouvoir politique au sein de la sphère de l’économie.

Pour correspondre à sa vocation, il faut donc que l’autorité planificatrice soit à même de prendre des décisions qui seront exécutées par les unités de production. Cette efficacité, selon Bettelheim, est essentiellement conditionnée par un développement suffisant des forces productives. La «centralisation nationale des moyens de production» dont parlait Marx ne peut être assurée sans un niveau élevé de concentration des unités de production, et il est juste d’insister aussi sur le rôle des moyens de traitement de l’information dans l’approfondissement de la planification. Ce serait une erreur de n’y voir qu’un élément purement technique.

En même temps, le plan ne peut être l’expression du pouvoir de la classe ouvrière, de la dictature du prolétariat que s’il est élaboré par cette classe ouvrière. Marx liait la révolution socialiste à la construction de la démocratie. La véritable libération des travailleurs coïncide avec leur pouvoir réel sur l’utilisation de leurs moyens de production. Or, c’est l’ensemble des travailleurs qui est propriétaire de l’ensemble des moyens de production, et ce n’est qu’à cette condition qu’une articulation véritable de l’ensemble des procédés de production peut être mise en place. On ne saurait donc se contenter d’une participation, même active, des travailleurs d’une unité de production aux décisions de production la concernant; sauf à n’y voir qu’une première étape. Les travailleurs doivent participer à deux types de décisions essentielles qui ne peuvent être prises qu’au niveau de l’ensemble de l’économie: la détermination du taux d’accumulation et le choix du modèle de consommation de longue période.

Les travailleurs deviennent maîtres de leurs moyens de production dans la mesure où ils sont maîtres des conséquences de l’utilisation de ces moyens sur leur propre existence. La fin de la séparation des travailleurs de leurs moyens de production, comme la fin de la séparation des travailleurs de leur produit, passe par une élaboration du plan à laquelle participent les citoyens non comme «travailleurs dans telle usine», mais comme «travailleurs-consommateurs».

Les expériences concrètes qui vont dans ce sens montrent la difficulté de ce qui doit être progressivement réalisé: risque d’une «aliénation dans le travail» (H. Bartoli) qui privilégierait le développement des forces productives au détriment des équilibres humains essentiels, risque d’une pâle copie des modèles occidentaux de consommation qui détournerait de l’effort de création de l’homme nouveau que doit construire le socialisme, risque de passivité des masses qui ne permettrait pas la véritable libération de leurs capacités créatrices. Ces risques hérités du capitalisme témoignent des différents aspects des distorsions qui ont à être réduites entre les structures institutionnelles et les rapports sociaux réels au cours de cette phase de construction du socialisme.

La rémunération du travail

La non-concordance entre les structures de propriété et les rapports sociaux réels s’exprime en particulier dans les aspects multiples du statut des travailleurs au sein de l’entreprise.

La libération du travailleur passe par l’unité retrouvée du temps de travail et du temps de non-travail, liée à l’existence d’équipements collectifs socioculturels. L’expérience des pays socialistes livre déjà des enseignements importants pour la théorie en ce domaine. Elle est aussi liée à une reconsidération totale des conditions de travail déjà largement avancée, mais aussi, plus spécialement, de l’ergonomie. Ici, les conditions dans lesquelles se sont trouvées concrètement les économies socialistes les ont empêchées d’avancer beaucoup, et par conséquent les données livrées par l’expérience ne permettent pas encore de jeter les bases d’une analyse théorique approfondie.

Les discussions actuelles portent essentiellement sur la nature de la rémunération du travail, de ce qu’il faut bien encore appeler le «salaire». L’expérience a bien montré que l’ensemble salaire-prix est le moyen d’assurer à la fois la distribution des revenus et l’orientation de la consommation. Dès lors, le «salaire» tend à ne plus être un coût de la production, mais la détermination du partage de la production entre l’ensemble des travailleurs-consommateurs. C’est de la même manière qu’il faut comprendre par exemple l’orientation des kolkhoz soviétiques vers la détermination d’un revenu préalablement fixé, qui s’assimile aux «salaires» de l’industrie.

La discussion sur le niveau du «salaire» change alors d’objet. Elle est le moyen de la participation des travailleurs à la détermination du niveau général de consommation, de la structure de celle-ci (les impôts locaux sont le moyen du financement des équipements collectifs) et donc du rythme d’accumulation, c’est-à-dire finalement du partage entre temps de travail et temps libre pour aujourd’hui et pour demain.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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